Empreintes n°14 : Jacques Pierre - Maurice Faës
19 févr. 2011JACQUES PIERRE
LA GITANE
La gitane aux anneaux cuivrés
ce matin dans ma chambre est morte...
Sa guitare désaccordée
grince toujours près de ma porte
que le destin a verrouillée.
Dame de cœur valet d'amour
plus jamais je n'avalerai
de la tisane de sorcière
qui me broyait les intestins...
Dans les draps embaumés de menthe
ne viendra plus me tourmenter
son corps félin de folle amante
qu'atrocement j'ai poignardé.
Valet d'amour dame de cœur
plus jamais je ne poserai
ma bouche de maigre voyou
sur son ventre cicatrisé...
Dame d'amour valet sans cœur
les tarots croyaient-ils
à ce bonheur fugace
quand ils se retournaient
sanglants ou endeuillés
comme un éventail déployé
sur un amour aussi perfide... ?
Maurice FAËS
AUX SAINTES MARIES
La fille est brune et noire.
Elle entre dans la mer
et sa jupe s’évase
et gonfle comme voile.
Déjà ses longs cheveux
sont algues sur le flot.
On voudrait voir alors
le charbon de ses yeux
mais c’est à l’horizon
que porte son regard.
On voudrait voir ses yeux
et, pour les détourner,
les gitans amoureux
enflamment leurs guitares.
Femmes aux bracelets,
filles aux ventres nus,
dansent à perdre haleine,
mais la fille des eaux
s’éloigne doucement
de la rive joyeuse.
Les bras nus étendus
et les cheveux mouvants
ont sombré dans l’écume.
Aussi noire que blonde
a émergé Vénus,
Sarah est retournée
au berceau de la mer
et les chants sur la plage
sont plaintes de l’amour…